L'étalonnage sur le terrain d'un pont à haubans emblématique permet de valider des essais en soufflerie
Le pont Second Severn Crossing s’étend sur l’extrémité sud de l'estuaire de la rivière Severn dont l'amplitude de marée de 14,5 mètres est la deuxième en importance au monde. Ouvert en 1996, le pont offre la traversée la plus au sud entre Bristol, en Angleterre, et le Pays de Galles du Sud. La structure à six voies comporte trois sections principales : deux viaducs mesurant environ 2,1 kilomètres de long à chaque extrémité ainsi qu'un pont à haubans de 945 mètres, appelé Shoots Bridge, au milieu. La travée principale mesure 456 mètres entre les pylônes.
Le pont a été construit dans le but de soulager la congestion croissante de la circulation sur le premier pont de Severn, un pont suspendu situé à plusieurs kilomètres au nord, où l'on doit souvent limiter le trafic afin d'éviter le capotage des véhicules lors de vents forts qui sont courants dans la région. Le nouveau pont comprend un brise-vent de 3 mètres poreux à 50 % s’étendant tout le long des deux côtés du tablier dans l’ensemble de la section à haubans. Les écrans ont été très efficaces afin d'éviter les restrictions imposées à la circulation lors de conditions venteuses.
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Le défi
Bien que les brise-vents permettent de maintenir la fluidité de la circulation, ils ont aussi des répercussions sur la réponse aéroélastique d’un pont au vent. Nos premiers tests ont révélé que les mesures prises pour contrôler le flottement ont fait augmenter les oscillations dues au décollement de tourbillon, et vice versa. La tâche nous revenait donc d'élaborer des mesures particulières visant à contrôler la réaction aérodynamique du pont. Nous avons commencé en effectuant des essais en soufflerie sur des maquettes de la section du pont comportant des haubans. Nous avons finalement identifié une section qui présentait des oscillations dues au décollement de tourbillon d’amplitude limitée, mais qui étaient sensibles à l’amortissement et à la turbulence.
En tenant compte de l’amortissement prévu en grandeur réelle et des niveaux de turbulence estimés sur le site, l’amplitude d’oscillation devait se situer à l'intérieur des critères de conception utilisés. Cependant, une fois que le pont a été construit, on a observé des oscillations dues aux tourbillons ayant une amplitude plus grande que celle prévue. Notre défi fut alors de comprendre pourquoi.
Notre approche
L’Université de Bristol avait instrumenté le pont nouvellement construit et elle a ainsi pu enregistrer en détail la réponse du pont, les vitesses et les directions des vents ainsi que les propriétés de la turbulence. Cela nous a permis de déterminer pourquoi les oscillations étaient plus élevées que prévu et aussi de comparer les résultats des essais en soufflerie avec le comportement du pont en grandeur nature. Cette possibilité de valider sur le terrain des essais en laboratoire nous a fourni de précieuses informations sur les effets de la turbulence et sur la méthodologie en soufflerie avec des maquettes de sections. Par exemple, les données obtenues en grandeur réelle ont clairement montré que le facteur d’amortissement du pont était inférieur d'environ un facteur de deux par rapport à ce que nous avions présumé lors de la conception. Nos présomptions se fondaient à ce moment sur des normes reconnues et les conseils en matière de conception publiés qui étaient disponibles.
Le résultat
Nos études nous ont permis de déterminer une meilleure méthodologie analytique servant à calibrer les simulations en soufflerie afin qu’elles correspondent au comportement en grandeur réelle. Lorsque nous avons finalement terminé l’analyse des données en grandeur réelle, nous avons défini des réglages analytiques qui ont permis d'harmoniser le comportement estimé du pont avec les observations.
Après avoir terminé cet étalonnage du mouvement du pont tel qu'il avait été construit avec l'étude en soufflerie de la section du pont, nous avons développé une solution aérodynamique qui a permis d'éliminer les mouvements dus au décollement de tourbillon, sans pour autant augmenter le flottement : deux déflecteurs verticaux, installés sur une distance de 250 mètres le long de la partie centrale de la travée principale.
Les connaissances que nous avons tirées du projet Second Severn Crossing continuent d’inspirer notre travail aujourd'hui. De plus, ce projet illustre à la fois la difficulté et l’importance de tenir pleinement compte de l'effet de la turbulence du vent et de l’amortissement lors de l’évaluation des effets du décollement de tourbillon sur les ponts et autres structures.